Le premier gardien de phare au Québec
Charles Hambelton
Robert Hambelton, GFA
Société Généalogique Canadienne-Française
Le phare de l'Île-Verte, le plus ancien du Québec, a vu son premier gardien de la lumière être mon ancêtre Charles HAMBELTON (~1766-1827).
Située dans la région du Bas-Saint-Laurent, à environ trente kilomètres à l'est de Rivière-du-Loup, l'Île Verte se trouve à deux kilomètres de la rive sud du fleuve, en face de la municipalité de L'Isle-Verte, et s'étend sur six milles de long et trois de large. De l'autre côté, à vingt-deux kilomètres de distance, l'embouchure du Saguenay et le village de Tadoussac sur la rive nord du Saint-Laurent font face à l'île1.
Circuit touristique | Site OFFICIEL de l'Île Verte (ileverte-tourisme.com) |
Au printemps 1806, Augustin Jérôme Raby, le surintendant des pilotes, et François Boucher, maître du havre, se sont rendus à l'île Verte à bord de la goélette Caldwell pour choisir l'emplacement d'une « tour à feu ». À leur arrivée à la Pointe-à-Michaud, ils ont installé une enseigne annonçant : « This spot is pitched on by Government for erection of light-house ». Trente acres de terrain ont été acquis auprès du propriétaire, Peter Fraser, pour la somme de 150 livres, afin d'y ériger le phare.
La Maison de la Trinité, en tant que gestionnaire du port de Québec, a réalisé son premier acte concret pour équiper le fleuve Saint-Laurent d'infrastructures de signalisation maritime.
Le 21 juin 1806, un contrat fut signé avec Edward Cannon, maître maçon, pour la construction d'un phare. Ce dernier serait une tour de maçonnerie de pierres blanches, mesurant 40 pieds de haut avec un diamètre extérieur de 18,5 pieds à la base et de 16,5 pieds au sommet. La construction s'est étendue sur trois ans, de 1806 à 18082.
Don personnel du Capitaine et pilote Jean Cloutier |
Charles Hambelton, né en 1766 au Royaume-Uni, a répondu, comme de nombreux jeunes Européens, à l'appel de l'aventure et au rêve d'une vie meilleure. Il est mon premier ancêtre paternel à s'être établi en Nouvelle-France3.
Une fois établi à Québec, il ne lui faut pas longtemps pour trouver l'amour. Il se marie en 1795 avec Euphrosine Rollet à la Metropolitan Church Anglican de Québec. Cependant, après douze ans d'une union amoureuse, Euphrosine décède de la varicelle, laissant Charles seul avec cinq jeunes enfants à élever4.
.4 |
Pour Charles, devenir gardien de phare représente l'opportunité dont il rêvait.
Familier avec le fleuve et ses périls, il se sentait prêt à assister ceux qui naviguent ses eaux dangereuses. Il a rapidement écrit à la Maison de la Trinité pour présenter les raisons et les qualités qui le désignent comme le gardien idéal du phare de l'île Verte. Il a mis en avant le fait qu'en tant que navigateur, il est pleinement conscient des risques qu'un phare mal entretenu représente.
Don personnel du Capitaine et pilote Jean Cloutier |
Il prend sa plume et écrit à tous les amis et contacts qu'il a noués depuis son arrivée à Québec, leur demandant leur aide dans sa démarche. La même semaine, la Maison de la Trinité reçoit une lettre signée par vingt-huit commerçants et navigateurs influents de Québec, qui recommandent Charles Hambelton pour le poste de gardien de phare. Parmi les signataires se trouve John Richardson, inspecteur général des phares pour la corporation de la Maison de la Trinité5.
Don personnel du Capitaine et pilote Jean Cloutier |
Le 27 avril 1808, Charles a reçu confirmation de la Maison de la Trinité de son engagement en tant que premier gardien du premier phare de l'estuaire du Saint-Laurent.
Le 13 septembre 1808, le capitaine Hambelton a envoyé un plan du terrain appartenant à la Trinity House.
Don personnel du Capitaine et pilote Jean Cloutier |
La confection de la lanterne en cuivre a été confiée à George Robinson, à Londres.
Le système d'éclairage, initialement alimenté par de l'huile de phoque ou de baleine, a été réalisé par une autre société londonienne, Brickwood and Daniels.
À la mi-juillet 1809, le système d'éclairage est arrivé à Québec. Charles a pris en charge cette cargaison précieuse, s'est occupé de son transport jusqu'à l'île Verte et a supervisé son installation. L'éclairage, fixe, était assuré par treize lampes en cuivre disposées en deux rangées, chacune munie d'un réflecteur en platine ou d'un miroir courbe. L'alimentation en huile provenait du marsouin local, qui alimentait les mèches en coton6.
Don personnel du Capitaine et pilote Jean Cloutier |
La nouvelle lanterne, plus petite, ne correspond pas aux dimensions de la tour de pierre. Pour l'installer, il est nécessaire d'ajouter cinq toises de maçonnerie afin de réduire le diamètre de la tour existante et de construire un nouveau plancher de trois pouces d'épaisseur en chêne. Cette installation est quelque peu improvisée, résultant en un accès à la lanterne depuis le deuxième étage par un escalier extérieur.
Les pratiques maritimes | Les aides à la navigation | Naviguer sur le Saint-Laurent |
Le mercredi 13 septembre 1809, au coucher du soleil, Charles a allumé pour la première fois la lumière du premier phare sur le fleuve Saint-Laurent.
Crédit : Marc Ross - Phare de l'Ile Verte, Québec / Ile Verte Lighthouse | Flickr |
Au fil des ans, la vie s'écoule au rythme du fleuve et des tâches quotidiennes.
Le gardien du phare porte une responsabilité considérable : la moindre défaillance peut représenter un danger pour les marins. Il doit rester sobre en tout temps et assidu à surveiller la lumière du coucher du soleil jusqu'à l'aube, chaque jour du 15 avril au 15 décembre.
À chaque hiver, la fermeture de la « lumière » le ramenait chez lui. En 1810, le premier gardien du phare de l'Île Verte, Charles Hambelton choisit d'installer sa famille à Cacouna sur le rang du bord de l'eau :
Aux derniers jours d'automne, Charles Hambelton, le premier gardien du phare de l'île Verte, fermait la « lumière » et allait rejoindre sa famille installée à la Rivière-des-Vases7.
Cette lanterne est fixée et orientée à 13 degrés vers l'embouchure du fleuve. Charles est chargé de maintenir tout ce qui assure la visibilité de la lumière : il doit nettoyer les vitres où sont installées les lampes, polir les réflecteurs, et veiller à ce que les mèches ne produisent pas de fumée. Il allume et éteint les lampes, répare l'équipement si nécessaire et gère l'inventaire pour commander ce qui est essentiel à ce signal lumineux d’espoir. Charles Hambelton doit aussi cultiver la terre pour subvenir aux besoins de sa famille.
Ses journées sont bien remplies ! Fidèle à son poste pendant 18 ans, de 1809 jusqu'à son décès en avril 1827, il assure que la lumière brille chaque nuit, guidant les navires loin des récifs dangereux du fleuve.
À la suite du décès de son mari, l'épouse a formellement demandé à la Maison de la Trinité la permission de continuer à gérer le phare avec l'assistance de ses fils, espérant devenir la première femme gardienne de phare dans l'histoire du Québec. Cependant, sa requête fut rejetée, et elle déménagea à Cacouna, dans le Bas-Saint-Laurent, pour y refaire sa vie avec ses enfants.
Le phare de l'île Verte est le plus vieux de l'estuaire du Saint-Laurent. Il a été nommé « Lieu historique national du Canada » en 1974 et, depuis 2021, le phare et la station sont reconnus comme patrimoine par le Ministère de la Culture et des Communications du Québec.
Il peut être visité : Accueil - Phare de l'île Verte (phareileverte.com)
1. https://grandquebec.com/bas-saint-laurent/phare-ile-verte/
2. http://phareileverte.com/category/construction-phare/
3. ADN - Robert Hamilton's Ancestry Composition results were updated on December 10, 2014. PATERNAL LINE: I1
British & Irish : When people first arrived in the regions now known as Great Britain and Ireland tens of thousands of years ago, these two regions were physically joined to one another. Today the people of the islands of Great Britain and Ireland descend from Celtic, Saxon, and Viking ancestors.
4. Actes de mariage, de décès et de baptême de Charles Hambelton et ses enfants : Québec/Fonds Drouin/QC/Non-Cath/Québec (Anglican)/Québec (Metropolitan Church)/1790/1795/© Fonds Drouin
5. Le minutier de la Maison Trinité de Québec, conservé aux archives du port de Québec. Gracieuseté de M. Jean Cloutier.
6. Musée du phare de l'ile verte québec
7. BaladoDécouverte - Bord-de-l'eau, lieu-dit (baladodecouverte.com)
Bibliographie
- Cloutier, Jean et Cyr, Lise - L’Île Verte : le fleuve, une île et son phare - Éditions GID, 2009
- Lafrenière, Normand : Gardien de phare dans le Saint-Laurent : un métier disparu — Éditeur Dundurn Press, 1996
- Tardif, Jean-Claude : Le grand livre d’or des Lindsay, 1936-1964 : extraits des registres du phare de l’île Verte — Éditions GID, 2007