Mouvements migratoires de mes ancêtres

Textes publiés lors de la 1re édition du Concours "Mes ancêtres au bout de ma plume !" lors de la SNG 2023.
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Photo du monument à la mémoire des premiers ancêtres récemment érigé dans le cimetière de St-Anselme. | Denis Labrecque

 

La promesse

par Guy Veer, généalogiste et descendant de Peter Vere,
et Denis Labrecque, rédacteur et descendant de Robert Vere.

Société généalogique de Lévis

 

Roger Vere, de Plymouth à Québec

Les plus anciens faits que nous pouvons relier avec certitude à notre ancêtre ont été recueillis en décembre 1979 par M. Guy Veer dans les archives militaires du «7th Regiment of Foot » conservées à Kew (Londres, Angleterre).

ROGER VERE s’est enrôlé le 5 août 1785 à Plymouth (Angleterre).

Au printemps 1786, le Régiment a été envoyé en Écosse. Au fil des mois, ses 10 compagnies furent dispersées dans diverses forteresses : Aberdeen, Montrose, Dundee, St.Andrews, Fort George, Edimbourg, Glasgow.

En mai 1789, 4 compagnies stationnées à Édimbourg ont été dirigées vers l’île de Man. C’est à cet endroit qu’est né PETER, le premier enfant de ROGER et de son épouse ELIZABETH. PETER y est baptisé le 5 juillet.

En août 1790, on retrouve le Régiment à Gibraltar où il sera pris en charge par le Prince Édouard, quatrième fils du Roi George III, futur Duc de Kent et futur père de la Reine Victoria.

Le 27 mai 1791, le Régiment quitte Gibraltar réparti sur deux navires, les HMS Ulysses et HMS Resistance. Il débarque à Québec le 16 août.

La liste des passagers nous confirme que le « private » ROGER VERE, sa femme ELISABETH et leur fils PETER se trouvaient à bord du HMS Ulysses, tout comme le Prince Édouard.

ROGER est libéré par le Régiment à Québec le 24 juin 1792.

 

La famille Vere à Beauport

Les VERE s’installent alors à Beauport où débute la construction de la « Beauport Distillery ».

Pendant plus de 10 années, ROGER y occupera divers métiers. Journalier et mineur durant la période de la construction, ROGER apprendra ensuite les rudiments de la fabrication du whisky à titre de tourailleur et malteur.

Parallèlement, la famille s’agrandit. À l’aîné PETER (1789-1870) s’ajouteront une fille anonyme (1793-1794), HANNAH (1795-1825), DAVID (1797-1832), ROBERT (1800-1877), MARGARET (1801-1803) et JENNET (1803-1873).

 

La famille Vere au Hameau Trois-Saumons

À l’automne 1803, ROGER est père de 5 jeunes enfants. Il accepte alors l’offre de David Harrower qui vient d’ériger une distillerie à l’embouchure de la rivière Trois-Saumons et qui a besoin d’employés expérimentés pour démarrer sa production. Les deux hommes s’étaient connus à la « Beauport Distillery » où David Harrower avait été surintendant jusqu’en 1799.

C’est donc autour du Hameau Trois-Saumons sis à mi-chemin entre les paroisses de Saint-Jean-Port-Joli et de L’Islet que la vie des VERE continue :

  • Un sixième enfant s’ajoute au clan, MARGUERITE (1805-1841) qui est baptisée à L’Islet. ROGER est alors dit « distillateur ».
  • PETER navigue sur le fleuve Saint-Laurent pour M.Harrower. En 1814, il se marie à Québec. On le retrouve ensuite à Saint-Jean-Port-Joli où il fait baptiser un premier enfant en 1815. En 1816 et 1820, il est identifié « master of the schooner Sarah of St-Jean-Port-Joli ». En 1816, il achète une parcelle de terre à L’Islet. Deux autres enfants seront baptisés à L’Islet en 1817 et 1820.
  • En 1817, HANNAH se marie à Québec avec un marin du nom de WILLIAM RIDLEY. Tous les deux déclarent être de Saint-Jean-Port-Joli. Deux enfants sont baptisés à L’Islet en 1818 et 1821.

Vers 1821, la situation économique se détériore au Hameau Trois-Saumons, car la Distillerie Harrower éprouve des difficultés :

  • PETER a perdu le commandement de sa goélette. On le retrouve journalier à Beauport où quatre enfants seront baptisés de 1822 à 1829. Sa famille y sera recensée en 1825 et 1831.
  • On peut penser que ROGER s’installe avec son épouse et ses enfants dans la maison laissée vacante par PETER à L’Islet. Cette maison sera vendue par DAVID le 3 septembre 1826 (réf. notaire Simon Fraser).

 

La famille Vere à Saint-Henri (Saint-Anselme)

Les 22 et 23 septembre 1822, ROBERT et PETER achètent chacun une terre à Saint-Henri de Lauzon dans ce qui, en 1827, deviendra la paroisse de Saint-Anselme.

Le 22 septembre, ROBERT achète une terre à l’endroit qui deviendra le cœur du village de Saint-Anselme (réf. notaire Pierre Paradis). ROBERT reçoit l’aide de son beau-frère WILLIAM RIDLEY pour la développer. En septembre 1823, HANNAH y donne naissance à un troisième enfant.

Le 23 septembre, PETER achète une terre le long de la rivière Etchemin à quelques milles de ce qui deviendra le village de Saint-Anselme. Il ne s’y installera avec sa famille qu’à l’automne 1831. Dans l’intervalle, il fera régulièrement des voyages depuis Beauport pour développer sa terre et faire des transactions financières.

En 1825 la famille de ROGER VERE est recensée à Saint-Henri (Saint-Anselme). C'est maintenant là que le clan VERE est installé :

  • Le 6 avril 1825, un événement malheureux vient bousculer la vie du clan, le décès d’HANNAH. Elle laisse dans le deuil son époux WILLIAM et ses 3 jeunes enfants.
  • Le 16 mai 1825, DAVID y achète une terre (réf. notaire Louis Ruel).
  • Le 10 janvier 1826, JENNET y prend époux.
  • Le 11 février 1826, WILLIAM RIDLEY fait une déclaration devant le notaire F.X.Lefebvre. Il y exprime ses volontés par rapport à ses biens et à ses enfants. ROBERT VERE fait alors une promesse dont nous dévoilerons ci-après le contenu et les étapes de réalisation.
  • Le 3 mai 1828, PETER échange sa maison de L’Islet, qui avait été vendue en 1826 par DAVID, contre la terre que ce dernier avait achetée à Saint-Anselme en 1825 (réf. notaire F.X Lefebvre). Cette terre est stratégiquement située à proximité de la future église de Saint-Anselme. PETER la subdivisera en plus de 30 parcelles qu’il vendra au cours des années suivantes, ce qui lui apportera une certaine aisance financière.
  • DAVID perd la vie accidentellement le 6 mai 1832.
  • ROGER, le patriarche, décède le 21 mai 1832 à l’âge de 95 ans.
  • MARGUERITE se marie le 2 octobre 1832.
  • ROBERT se marie le 15 janvier 1833.
  • ELIZABETH, la matriarche, décède le 14 juin 1843 à l’âge de 79 ans.

 

La promesse faite par Robert Vere

Le 11 février 1826, WILLIAM RIDLEY, DAVID VERE et ROBERT VERE se présentent à Saint-Henri devant le notaire F.X.Lefebvre.

WILLIAM RIDLEY, veuf de HANNAH VERE, déclare qu’il n’a pas fait d’inventaire détaillé des biens du couple. Sommairement évalués par trois voisins en présence de ses deux beaux-frères, ces biens consistaient en une vache, un veau, deux brebis, un poêle, des vêtements, quelques meubles, articles de maison et outils. La moitié de ces biens est réservée à ses trois enfants et WILLIAM abandonne l’autre moitié au sieur ROBERT VERE son beau-frère. WILLIAM renonce également à toute prétention qu’il croyait avoir dans la maison et la grange construites sur la terre de ROBERT.

ROBERT VERE promet et s’oblige de payer et de rembourser à la majorité des enfants du dit WILLIAM RIDLEY nommés David, Élizabeth et Marguerite la somme de « 33 piastres d’Espagne et quarante sols ».

De plus le dit ROBERT VERE promet et s’oblige d’élever comme un père de famille les trois susnommés qui sont ses neveux, de les traiter humainement, de les entretenir proprement et décemment suivant leur état et situation, de leur faire apprendre un métier et de les envoyer à l’école.

Cette déclaration est la dernière trace que nous avons de WILLIAM RIDLEY qui a vraisemblablement quitté la région de Québec. Elle confirme également notre hypothèse voulant que la famille RIDLEY habite dans la maison de ROBERT depuis un certain temps.

Par ailleurs, on peut penser que ROBERT, un célibataire âgé de 26 ans, s’est engagé envers les enfants RIDLEY alors âgés de 2, 5 et 7 ans en se sachant appuyé par les autres membres du clan VERE.

 

Robert s’engage à remplir sa promesse

Le 14 janvier 1833, soit la veille de son propre mariage, ROBERT confirme son obligation envers les enfants Ridley (réf. notaire Joseph-Clovis Bélanger).

Il reconnait être leur débiteur et hypothèque tous ses biens afin de garantir à chacun d’eux « le paiement d’une somme de 33 piastres d’Espagne et quarante sols » lorsqu’il atteindra sa majorité.

Les enfants RIDLEY ont alors 9, 11 et 14 ans.

 

Peter prend la responsabilité de remplir la promesse

Au début de 1841, ROBERT n’est pas très riche. Il s’est établi sans titre sur une terre de Saint-Isidore. Il doit subvenir aux besoins de son épouse et de ses 4 enfants.

Les enfants RIDLEY ayant maintenant 17, 20 et 22 ans, les obligations financières que ROBERT a prises envers eux doivent lui peser.

Le 5 avril 1841, ROBERT cède à son frère PETER une terre située à Saint-Anselme qu’il avait achetée en 1832 « avec toutes les hypothèques que le vendeur peut avoir sur ladite terre » (réf. notaire Joseph-Clovis Bélanger).

L’une de ces hypothèques consiste à payer « 33 piastres d’Espagne et quarante sols » à chacun des enfants RIDLEY lorsqu’il atteindra sa majorité.

 

La réalisation de la promesse

Le 24 novembre 1842, une quittance est donnée par ROBERT à PETER qui a rempli l’obligation prise envers ÉLIZABETH RIDLEY (réf. notaire Joseph-Clovis Bélanger). Elle venait tout juste d’avoir 21 ans.

Le 15 octobre 1844, une quittance est donnée par le procureur de MARGUERITE RIDLEY à PETER qui a rempli l’obligation envers sa nièce (réf. notaire Joseph-Clovis Bélanger). Celle-ci venait d’atteindre l’âge de 21 ans.

Le 26 février 1847, une quittance est donnée par ROBERT à PETER qui a rempli l’obligation envers DAVID RIDLEY (réf. notaire Joseph-Clovis Bélanger). Celui-ci est alors âgé de 28 ans.

Exprimée en monnaie de 1858, chaque enfant Ridley a ainsi reçu l’équivalent de 33 dollars et 33 sous … Un héritage appréciable pour l’époque !!!

 

Conclusion

21 ans… c’est le temps que la promesse faite en 1826 a pris pour être entièrement réalisée.

C’est là un fait remarquable qui démontre que nos premiers ancêtres étaient « tissés serrés ».

En effet, à Beauport comme au Hameau Trois-Saumons ou à Saint-Henri/Saint-Anselme, la famille VERE anglaise et protestante demeurait dans des paroisses peuplées très majoritairement de francophones catholiques. Dans un tel contexte, une famille apprend à se serrer les coudes.

Toutefois, par la force des choses, les VERE ont appris progressivement le français et se sont convertis à tour de rôle au catholicisme romain, mettant ainsi la table pour que les générations suivantes soient bien intégrées à leur environnement canadien-français.

Les ancêtres ROGER et ELIZABETH sont inhumés dans le cimetière de Saint-Anselme où un monument commémore leur passage.

 

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